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Qui sommes nous ?

Nous sommes des personnels de la Direction des Affaires Culturelles de la Ville de Paris, travaillant dans les bibliothèques municipales, conservatoires d'arrondissement, ateliers des beaux-arts, services centraux...

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16 juin 2020 2 16 /06 /juin /2020 09:19

 

Et contactez ceux qui sont là pour vous aider. Notamment les représentants des personnels

En octobre dernier, l’une de nos collègues qui travaillait dans les bibliothèques municipales de la Ville de Paris est morte. Elle avait 45 ans. Elle s’est suicidée.

Un suicide résulte toujours d’un faisceau de causes. Mais son expérience du travail dans les bibliothèques parisiennes et la maltraitance administrative et institutionnelle dont elle a été victime une fois en arrêt maladie ont joué de façon déterminante dans le désespoir qui l’a poussée à mettre fin à ses jours.

Notre collègue avait choisi ce travail, l’aimait et s’y est énormément investie. Durant ces douze années au service de la Ville, notre collègue a dû faire face au harcèlement sexuel d’un directeur d’établissement, à des violences verbales et psychologiques, à un climat d’urgence permanente, de tension et d’agressivité, à l’absence de prise en compte de sa maladie dans la définition de ses tâches. Comme beaucoup d’entre nous, elle a connu les contradictions entre les objectifs et le manque de moyens, et des situations de surcharge de travail qui l’ont menée à l’épuisement (sous-effectif chronique, intérims à répétition) ; elle a souvent dû assumer des fonctions largement supérieures à son grade.

Devenue physiquement incapable de travailler, elle a demandé par l’intermédiaire de son médecin un placement en congé longue maladie et a été confrontée, malade, isolée, payée à mi-traitement et sans perspective de prise en charge médicale adaptée et rapide, aux dysfonctionnements de l’administration parisienne et du comité médical. En effet, il faut attendre plusieurs mois avant que ce dernier statue sur une demande – ce qui signifie un paiement à mi-traitement (sans les primes) pendant des mois et l’angoisse d’une situation incertaine. Concrètement, quand on est malade, il vaut mieux ne pas être seul.e, encore moins seul.e avec des enfants à charge, et avoir de grosses économies.

Les comités médicaux statuent sans jamais recevoir ou entendre la personne et n’ont aucune obligation de suivre l’avis des médecins traitants. Leurs décisions – qui déterminent ni plus ni moins que la possibilité de vivre dignement pendant une maladie grave - s’exonèrent de toute argumentation, et sont uniquement signifiées par courrier (de ces courriers administratifs secs que l’on a parfois du mal à comprendre et comportant des injonctions aux échéances rapprochées).

 

 

Après six mois d’attente, notre collègue a entendu au téléphone « Elle est chiante celle-là » alors que cherchant à connaître la décision du comité médical, elle mesurait au fil de l’échange que son dossier avait été perdu et que l’on méconnaissait sa situation médicale réelle. Dans sa grande magnanimité, le comité avait en effet décidé de sa reprise du travail à mi-temps thérapeutique alors qu’elle était hospitalisée !

Incapable de tenir debout plus de trente minutes, elle a été contrainte, tétanisée et souffrant le martyre, de traverser l’Ile de France pour consulter un médecin expert. Jamais elle n’a trouvé auprès de son administration un interlocuteur capable de lui expliquer le fonctionnement du comité médical, de lui donner des informations cruciales quant au montant de sa rémunération, de lui fournir des données fiables qui auraient permis aux médecins de l’aider à réaliser les demandes adéquates. Prise dans l’incertitude sur son avenir professionnel, elle ne savait plus quelle démarche lui permettrait de pouvoir continuer à vivre sans risquer de tomber dans un gouffre de difficultés financières incompatibles avec son état de douleurs et d’angoisse.

Après une longue convalescence, craignant de ne pas pouvoir subvenir à ses besoins essentiels, elle a demandé et obtenu – après un nouvel avis du comité médical – de reprendre le travail à temps complet. Elle n’en était physiquement pas capable. Le personnel soignant de l’hôpital où elle avait séjourné, ayant appris après sa mort le déroulé des faits, était stupéfait, expliquant qu’on ne reprend pas brutalement le travail à temps plein après une telle épreuve.

Aujourd’hui, être en congé longue maladie ou longue durée nécessite de la force, du courage, un esprit clair, bref une combativité extrême, car en plus de se battre contre la maladie, il faut affronter les méandres de l’administration - l’absence d’interlocuteur, d’information, de réponse, la gestion des courriers, le suivi de procédures alambiquées, la soumission à des injonctions incompréhensibles, etc. Des milliers de personnes ont été ou sont dans de telles situations. Il faut que cela cesse. En octobre dernier, dans la lettre écrite pour expliquer sa décision, notre collègue a ajouté ces mots : « Que la ville de Paris fasse en sorte de mieux gérer le personnel en souffrance qui ne s’exprime pas, par déni, par peur, ou par honte de ne pas être « comme il faut » dans le sous-effectif qui les fait tant souffrir, ce n’est pas normal. ».

 

 

En sa mémoire, en mémoire de son courage mais aussi de sa lumière et de son rire, nous exigeons des moyens pour travailler dignement, et en premier lieu des effectifs suffisants (le remplacement des postes vacants, le recrutement de contractuel.le.s pour des périodes ponctuelles, mais aussi intervention des cadres du bureau des bibliothèques de la Ville de Paris (BBL) et des coordinateurs de secteur pour pallier aux absences des cadres A). Nous exigeons des formations à la prévention et à la gestion des violences sexistes et des violences psychologiques, rendues obligatoires pour les équipes de direction.

Nous réclamons des moyens pour les comités médicaux, afin que chaque demande soit traitée rapidement et que cessent les situations d’attente interminable aux conséquences dramatiques. Nous exigeons la mise en place d’un lien direct et personnalisé entre chaque personne en arrêt long et l’administration, de sorte que des réponses claires, précises et adéquates soient données, sur des sujets aussi essentiels que les conditions de vie et de survie de personnes en situation d’extrême vulnérabilité, et que ce lien soit maintenu y compris en cas d’hospitalisation – les personnes n’ont pas toujours quelqu’un susceptible d’aller relever le courrier chez elles et de faire le relais !

Enfin que les experts (qui sont théoriquement valides, rappelons-le) se déplacent jusqu’aux personnes malades convoquées, et non l’inverse – ce qui relève du simple bon sens, et qu’après un congé longue durée personne ne reprenne le travail à plein temps du jour au lendemain et sans visite médicale préalable – le mi-temps thérapeutique est un droit, qui n’a pas à être quémandé !

Rappelons-le : il est anormal que des personnes désespèrent à cause du travail – partout où cela arrive, les collègues doivent agir et donner l’alerte. Nous sommes toutes et tous vulnérables, les supposées « fragilités » individuelles ne doivent pas servir d’alibi pour masquer des situations et des conditions de travail scandaleuses. 

Si vous êtes dans une situation de souffrance, en activité ou en arrêt, ne restez pas isolé.e ; contactez les syndicats qui peuvent vous aider. Si vous êtes témoin de situations de souffrance, donnez l’alerte.

Santé au travail : Si vous êtes dans une situation de souffrance, en activité ou en arrêt, ne restez surtout pas isolé.e
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