RFID et bibliothèques: le bilan que ne veut (surtout) pas faire la Ville de Paris.
Le système RFID a été installé il y a cinq ans dans trois bibliothèques de la Ville de Paris. Depuis la RFID a été étendue à d'autres établissements parisiens. Bien que cette technologie soit loin de remplir tous ses objectifs: un système de vérification des documents qui ne fonctionne pas toujours, des logiciels défectueux, un matériel fragile, un système antivol peu fiable, le tout pour un coût toujours très élevé. L'administration en charge de son installation et qui en vantait ses nombreux bienfaits se garde bien d'en faire le moindre bilan. Nous allons donc le faire à leur place.
Un livre pourtant écrit par un proche du Maire de Paris
Un bilan professionnel. Tout d’abord, la RFID n’a pas répondu aux attentes des professionnels. Les promesses non tenues sont les suivantes :
- L’étiquette RFID couple le code-barres à l’antivol. Malheureusement, nous avons des puces blanches, sans inscription. Nous devons donc quand même coller un code-barres.
- Les étiquettes sont plus volumineuses que les antivols magnétiques. Ce sont surtout les documents jeunesse qui en pâtissent.
- Le contrôle de la complétude (vérification qu’un document multiple est bien complet : 1 disque + 1 livret ; un double DVD …) ne fonctionne pas, ou si mal, qu’il vaut mieux s’en passer pour éviter les erreurs de transaction. .
- L’inventaire à la volée, sans toucher les documents, est inefficace. Il n’est d’ailleurs plus question d’en faire.
Un bilan économique. En outre, il n’est pas évident que la RFID soit un modèle de vertu économique en cette période de crise car sa mise en place implique de nombreux investissements :
- Le coût financier de l’équipement d’abord, est colossal : il ne suffit plus d’acheter des consommables, un portique et un magnétiseur, il faut également installer un logiciel, acheter des platines et souscrire à un contrat de maintenance pour le tout…
- Ensuite, si l’on prend la chaîne du livre depuis son acquisition jusqu’au désherbage on se rend compte que la RFID ne fait qu’ajouter une ou plusieurs opérations là où elle nous est présentée comme la possibilité de dégager du temps pour renseigner les lecteurs.
- Contrairement aux code-barre qui sont quasiment inusables, les puces sont très fragiles : au moindre pli, le signal est rompu. Les puces pour CD et DVD ont durée de vie très faible, de l’ordre de 3 à 5 ans maximum.
Une durée de vie très faible, de l’ordre de 3 à 5 ans maximum.
Un bilan écologique. Le recyclage de ces éléments métallique et toxique (présence d’un circuit intégré) n’a jamais été pensé mais il est évident qu’une puce est beaucoup plus nocive qu’un simple autocollant imprimé.
La RFID a suscité de grands espoirs parmi les membres de la profession. Les tutelles, séduites par le discours rassurant et résolument moderne des vendeurs de puces, ont succombé à ces charmes, pensant ainsi être à la pointe de la bibliothéconomie. Dans la réalité, il est à regretter principalement que la RFID ait essentiellement été un argument pour réduire le nombre d’agents titulaires dans les bibliothèques en introduisant l’automatisation des prêts et en oubliant totalement l’aspect relationnel de notre métier
Un collègue de la médiathèque Yourcenar en avait déjà fait un bilan dans un article intitulé "La RFID dans les bibliothèques à Paris: Quel bilan pour quelles idées". Lire ici
Mais même ailleurs qu’à Paris, des interrogations fortes sont posées par leurs utilisateurs. C’est ainsi qu’un bibliothécaire d’une petite commune bretonne vient lui aussi de faire un bilan pour le moins critique de cette technologie. Pour lui elle va même jusqu’à poser des questions éthiques, sanitaires et écologiques. Lire là
Un bilan sanitaire. Pour notre collègue breton les personnes sensibles aux ondes (sensibilité électromagnétique) seront impactées par le développement des ondes RFID. Si cette pathologie est difficile à apprécier, on ne peut exclure des désagréments pour certains lecteurs ou membres du personnel.
N’est-il pas paradoxal de faire des efforts pour permettre une meilleure accessibilité des personnes à mobilité réduite ou malvoyantes à la médiathèque et d’installer des dispositifs contraignants pour les personnes électro-sensibles ?
L'adjoint à la Culture, Bruno Julliard avec le Maire de Paris
- " C'est vrai que c'est paradoxal ! Bruno, tu me fais un bilan bientôt ? "
- Heu, j'attends encore des nouvelles de l'administration ! "
Un des rares arguments recevables avancés par la Mairie de paris est la mise en place des automates de prêt. Le résultat est plutôt positif si l'on s'en tient aux chiffres : plus de 95% des transactions se font sur automate, les lecteurs se débrouillent très bien et les interventions des bibliothécaires sont de moins en moins nombreuses….mais il n’y a pas besoin de la RFID ! En effet, il existe par ailleurs des automates de prêt qui utilisent la reconnaissance optique et la démagnétisation.
Après ce bilan incontestable, reste à savoir si les élus (et l’administration) vont persister à installer cette technologie dans les bibliothèques (ou ailleurs) sans en mesurer toutes les conséquences professionnelles, sanitaires, écologiques ou (peut être la plus importante à ses yeux ?) économiques.
Le pass Navigo de la RATP utilise aussi la RFID
" Moi, c'est décidé ! Je repasse direct au code-barre !
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